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Comment les villes changent le récit sur la migration


Mechelen, Belgique. Une femme d’âge moyen, vêtue de couleurs claires, est assise dans une bibliothèque publique. On dirait que quelqu’un l’a interrompue pendant sa lecture, mais cela ne semble pas la déranger. Elle regarde droit devant elle, et ses yeux bruns et chaleureux laissent deviner une histoire à raconter.

C’est Farida : femme, mère de trois enfants, grand-mère de cinq, comptable. Elle parle cinq langues, aime cuisiner et adore lire. Elle vit à Mechelen, mais a fui la Syrie il y a cinq ans. Elle est réfugiée. Cette photo, placée sur une fenêtre près de la bibliothèque, fait partie de l’exposition « People Make the City ». L’histoire de Farida n’est qu’une parmi tant d’autres.

Ce projet de narration « People Make the City » transforme les histoires de résidents en contenus publics (art de rue, podcasts, expositions, images, textes), afin de construire un récit plus nuancé sur les migrants et réfugiés et leur impact dans les quartiers. Ces contenus illustrent la diversité et les identités riches et multiples des habitants locaux.

Les personnes concernées participent à la manière dont leur histoire est présentée, choisissant le contenu et le lieu. « Écouter une histoire est la première étape pour se connecter à quelqu’un que l’on ne connaît pas », explique Sara Lanoye, coordinatrice du projet. La narration est un outil puissant de cohésion sociale, favorisant la compréhension mutuelle.

Lutter contre les rumeurs

Nous avons tendance à inventer des histoires sur les gens que nous ne connaissons pas. Le court-métrage « Tout a commencé par accident » tend un miroir aux personnes qui diffusent des préjugés sans vérifier les faits. De telles rumeurs peuvent se répandre rapidement, alimentant l’exclusion et la discrimination.

Cette vidéo animée, destinée aux enfants comme aux adultes, fait partie du projet Antirumeurs à Fuenlabrada, en Espagne. Il vise à sensibiliser aux effets néfastes des rumeurs. « Si nous ne les arrêtons pas, elles évoluent en formes plus dangereuses qui alimentent la peur et la désinformation », alerte Juan Carlos Hernandez, de la ville de Fuenlabrada.

La ville a connu une forte croissance démographique liée à la migration depuis 40 ans. Pour y répondre, la municipalité a mis en place des programmes de participation sociale et d’inclusion qui ont aidé à façonner une ville multiculturelle.

Le projet Antirumeurs rassemble aujourd’hui 25 villes, en collectant des données et en mobilisant un réseau d’acteurs de la société civile pour déconstruire les fausses idées. Il existe depuis 2013 dans le cadre de l’initiative « Villes interculturelles » du Conseil de l’Europe.

Il faut toute une communauté pour changer le récit

Aujourd’hui, les récits médiatiques sont souvent réactifs, liés à des événements ou des tragédies, et encadrés par des termes négatifs : vague, crise, invasion. Les migrants sont souvent perçus comme une menace ou des victimes impuissantes. Pourtant, les histoires personnelles et les messages qui suscitent l’émotion sont bien plus efficaces.

C’est l’une des leçons tirées de la campagne « It Takes a Community ». Cette campagne multicanal valorise la migration à travers des récits concrets de familles, d’amis, de voisins, de collègues ou de camarades de classe issus du monde entier, qui enrichissent nos communautés locales.

Elle est portée par une collaboration entre gouvernements locaux et nationaux, société civile, secteur privé et Organisation internationale pour les migrations (OIM).

« Le niveau international tente de mettre en valeur la richesse provenant du local », explique Sophie van Haasen, du GFMD Mayors Mechanism. « Collaborer avec les gouvernements nationaux est parfois difficile. Il faut dire que peu de campagnes nationales promeuvent l’inclusion et l’intégration. »

Dans certains pays, les migrants sont encore largement perçus comme une menace à l’identité nationale ou à la prospérité économique. Cependant, les gouvernements locaux et régionaux prennent l’initiative, avec des campagnes et projets d’intégration qui obtiennent souvent de meilleurs résultats que les démarches trop centralisées.

Changer les mentalités nécessite d’écouter les récits des nouveaux arrivants, de lutter contre les rumeurs et de créer un espace pour l’échange avec les habitants. Mais le vrai défi reste de relier les différents niveaux de gouvernance pour transformer durablement la façon dont la migration est perçue et traitée.