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« La migration n’est pas un problème à résoudre, mais une réalité à gérer » — de Berlin à Beyrouth


Plusieurs crises mondiales affectant la migration et la mobilité nécessitent des réponses locales immédiates et coordonnées. Quels sont les principaux défis et quelles solutions se sont déjà révélées durables ? Le CCRE et IncluCities ont exploré ces questions lors de la Conférence internationale Metropolis à Berlin.

Berlin est connue comme une ville multiculturelle où un enfant sur deux a des origines migratoires. Les migrants jouent un rôle important dans la ville et la migration affecte tous les niveaux de la vie politique et quotidienne. En effet, Berlin a été l’ état allemand à adopter une loi spécifique sur l’intégration des migrants, renforçant notamment leurs opportunités de travailler dans la fonction publique.

Les autorités locales collaborent étroitement avec les ONG et la société civile pour bien comprendre la situation sur le terrain. Dans la gestion des crises, le niveau local est stratégique, a expliqué Katarina Niewiedzial, Commissaire du Sénat de Berlin pour l’Intégration et la Migration. « Cependant, nous sommes très lents et beaucoup de choses restent sur le papier », a-t-elle dit. « Nous pouvons encore beaucoup apprendre sur les solutions numériques en matière de migration auprès d’autres villes, comme Varsovie. »

Le partage des connaissances va dans les deux sens

À l’inverse, la ville de Varsovie a également tiré parti des bonnes pratiques et de l’expérience de Berlin pour construire une réponse plus efficace et complète aux flux migratoires. Lorsque 800 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés à Varsovie après l’invasion russe, il a fallu moins de 12 heures à la ville pour mettre en place un plan de gestion de crise opérationnel.

Malgré des ressources minimales voire inexistantes et une dépendance au soutien d’organisations, de la société civile et d’ONG, ils ont dès le départ mis l’accent sur l’intégration et le marché du travail. « Plus de la moitié des réfugiés adultes, principalement des femmes, ont réussi à trouver un emploi dans la ville en quatre mois », a déclaré Tomasz Pactwa, Directeur des projets et affaires sociales de Varsovie.

Les attitudes du public étaient un autre élément crucial qu’ils ont abordé pour prévenir la propagande négative autour des réfugiés. Après avoir mené une enquête, les autorités municipales ont identifié et répondu aux craintes des citoyens, telles que la surpopulation et la criminalité, par des campagnes de communication. Cela a porté ses fruits puisque le discours a changé et que la solidarité a prévalu.

Instrumentalisée par les populistes

Toutes les villes n’ont pas d’histoires positives à raconter. Le Liban est le pays avec le plus grand nombre de réfugiés par habitant. Il fait face à l’une des pires crises économiques et financières depuis des décennies, sinon plus, avec la majorité des habitants vivant sous le seuil de pauvreté et un taux d’inflation supérieur à 150 %.
Les réfugiés dans ce pays ne sont pas vus comme un problème à résoudre mais comme un outil pour les élites politiques afin de gagner en influence par une rhétorique populiste et la diffusion d’idées fausses. « Une augmentation alarmante de la discrimination, du harcèlement et de la violence contre les réfugiés est constatée », a expliqué Fatima A. Ibrahim, Directrice exécutive du projet Refugees=Partners (Liban & Syrie).

Changer la perception de la migration

Gaziantep, une grande ville turque près de la frontière syrienne, accueille un demi-million de réfugiés : un cinquième de la population de la ville sont des nouveaux arrivants. Depuis 2015, les autorités locales ont adapté leurs services à la situation en établissant des principes locaux de réponse aux réfugiés qui ne laissent personne de côté et intègrent une planification sensible aux conflits.

La ville a ouvert un département de gestion de la migration, un centre de recherche sociale, des unités de soins de santé, des centres communautaires, des centres artistiques et professionnels, un refuge de solidarité et d’autonomisation des femmes, un centre de réhabilitation ainsi que la distribution d’aide humanitaire. « À Gaziantep, nous croyons que la migration n’est pas un problème à résoudre, mais une réalité à gérer », a déclaré Önder Yalçın, Directeur du département migration de la ville de Gaziantep.

Apprendre les uns des autres

L’inclusion se fait au niveau local et représente un énorme défi pour les communautés locales qui manquent de capacités, de connaissances et de ressources financières. « C’est pourquoi nous avons lancé le projet européen IncluCities, pour permettre un échange dynamique des bonnes pratiques entre villes mentor et villes mentorées afin d’améliorer l’inclusion locale », a déclaré Maria Grazia Montella, chargée de mission migration au CCRE.

Les retours des acteurs de terrain, des villes, de leurs réseaux de soutien ainsi que des associations de gouvernements locaux et régionaux sont extrêmement positifs. En deux ans et demi, les villes participant au projet IncluCities ont déjà amorcé des processus de changement impressionnants.
Le projet belge #BuddieswithRefugees est en cours de reproduction dans la ville sicilienne de Capaci. Un organe consultatif de migrants a été mis en place dans la ville grecque de Levadia pour co-créer des politiques avec les nouveaux arrivants.

Par ailleurs, en France, la ville de Saint-Jean-de-la-Ruelle a créé une maison des femmes pour intégrer les réfugiés en prenant en compte leurs besoins particuliers. Et avec la guerre de la Russie en Ukraine, Jelgava en Lettonie est passée d’une poignée de réfugiés à plus d’un millier. La municipalité a réussi à mettre en place de toutes pièces un centre opérationnel d’information et d’accueil pour les nouveaux arrivants.

Partout, on voit des actions concrètes, et c’est là l’objectif principal de notre projet. Chaque ville a des dynamiques et des structures différentes, mais les bases pour aborder la migration sous l’angle de l’inclusion et du respect des droits humains constituent le cœur d’une gestion réussie au niveau local. Grâce à IncluCities et à des projets similaires, les principes et pratiques qui fonctionnent dans un lieu peuvent être reproduits et adaptés ailleurs.