Tribune sur la démocratie locale en Turquie co-signée par les président·es du Congrès, du Comité des Régions, de l’ALDA et du CCRE
Les récentes arrestations et destitutions de maires démocratiquement élus en Turquie, remplacés par des administrateurs nommés, marquent un tournant inquiétant pour la démocratie locale, non seulement en Turquie, mais également pour l’Europe dans son ensemble. Au cœur de la démocratie, il ne s’agit pas seulement de voter : il s’agit de garantir que les personnes élues par le peuple puissent gouverner librement, sans crainte de persécution. Le remplacement de maires élus par voie judiciaire, sans transparence ni respect intégral du droit, soulève de graves questions quant aux normes démocratiques et aux libertés politiques.
Il ne s’agit pas d’un événement isolé. Ce phénomène s’inscrit dans une tendance préoccupante au recul démocratique, qui menace les valeurs fondamentales sur lesquelles l’Europe moderne s’est construite. Après les ravages de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe s’est engagée en faveur de la décentralisation, de la démocratie et des droits humains. La Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée en 1985, était une réponse directe aux dérives autoritaires du passé, en garantissant que les gouvernements locaux disposent de l’autonomie nécessaire pour servir leurs citoyens, sans ingérence excessive des autorités centrales. Ce principe de l’autonomie locale est un rempart contre la concentration du pouvoir et une garantie que la démocratie reste enracinée dans le quotidien des citoyens.
Aujourd’hui, ces principes durement acquis sont mis à mal. L’arrestation de responsables locaux en Turquie constitue une violation flagrante des engagements pris par le pays en tant que membre du Conseil de l’Europe. C’est une attaque directe contre les principes consacrés par la Charte et un signal alarmant envoyé à d’autres gouvernements, laissant entendre que de tels agissements pourraient être tolérés.
La démocratie locale est la première ligne de défense de nos libertés. Lorsqu’elle est attaquée, ce ne sont pas seulement une ville ou une région qui en pâtissent, mais bien les fondements mêmes de notre système démocratique. Les maires et élu·es locaux sont les liens concrets entre les gouvernements nationaux et les citoyen·nes, les acteurs qui traduisent les principes démocratiques en actions concrètes – qu’il s’agisse de services publics, de cohésion sociale ou de gestion de crises.
Ignorer la répression des dirigeant·es locaux en Turquie, ce n’est pas seulement faillir à soutenir nos collègues – c’est faillir à défendre la démocratie elle-même. Si l’Europe permet l’érosion de la démocratie locale quelque part sur le continent, elle ouvre la voie à un précédent dangereux.
Les institutions européennes, ainsi que les États membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, doivent adopter une position claire et ferme. La défense de la démocratie ne peut être sélective, ni soumise à des considérations politiques. Le droit pour les citoyens de choisir leurs dirigeant·es – et pour ces derniers de gouverner sans peur – doit être défendu à tout prix.
La démocratie en Europe n’a jamais été acquise : elle s’est construite par la lutte et l’engagement. Face aux menaces actuelles, nous devons faire preuve de la même détermination. L’élection libre des représentant·es n’est pas un privilège, c’est le fondement d’une société juste et stable. Si nous échouons à la défendre aujourd’hui, nous risquons de la perdre demain.
Signataires :
- Marc Cools, Président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe
- Katta Tüttő, Présidente du Comité européen des Régions
- Nataša Vučković, Présidente de l’ALDA
- Gunn Marit Helgesen, Présidente du CCRE
Cet article d’opinion a été publié dans EU Observer le 15 avril 2025. Vous pouvez le lire ici.
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