Être une source d’inspiration pour les autres est la meilleure reconnaissance de notre travail
IncluCities poursuit sa série en présentant les personnes clés derrière le projet avec une double interview spéciale. Vincent Vanhalewyn, échevin responsable de la cohésion sociale à Schaerbeek, et Janaki Decleire, Directrice de l’association VIA, un partenaire essentiel du projet, répondent aux questions sur l’intégration des migrants et les impacts de la crise des réfugiés ukrainiens sur la municipalité de Schaerbeek, une ville mentor du programme IncluCities.
Schaerbeek est l’une des 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale. Une grande diversité culturelle caractérise sa population de plus de 133 000 habitants. D’où viennent les nouveaux arrivants ?
Janaki Decleire :
Schaerbeek est effectivement une commune cosmopolite. Plus d’un tiers (37 %) de la population est de nationalité étrangère, sans compter les personnes devenues récemment Belges. Ceux qui viennent à notre bureau d’accueil BAPA VIA, chargé de l’accueil des nouveaux arrivants, ne viennent pas uniquement de la commune de Schaerbeek, car notre programme d’accueil est ouvert à toute personne vivant dans la région bruxelloise. Environ un cinquième vient de Schaerbeek et 18 % de Molenbeek, le reste provenant d’autres communes. Ces personnes viennent principalement de Syrie, du Maroc, d’Inde, d’Afghanistan et de Guinée.
Schaerbeek est la quatrième commune la plus densément peuplée de Bruxelles. Comment cela affecte-t-il la vie urbaine ?
Vincent Vanhalewyn :
La population de Schaerbeek a continuellement augmenté – malgré 2020, une année exceptionnelle avec la plus faible croissance enregistrée dans la Région depuis 1998 – et une croissance plus élevée est attendue, bien que dans une moindre mesure. Nous avons une population multiculturelle, avec plus de 100 nationalités en 2019.
Cette situation est à la fois un atout et un défi en ce qui concerne les infrastructures publiques, avec un besoin significatif en crèches, écoles, logements, etc. Pour répondre à ces besoins, nous avons lancé plusieurs projets urbains, notamment avec le soutien de la Région dans le cadre des contrats de quartier, pour améliorer les espaces publics, développer les infrastructures sociales et le logement et, dans une moindre mesure, renforcer notre tissu économique et social.
Depuis les années 1960, Schaerbeek a également développé un réseau important et actif d’associations, ce qui contribue à créer des liens au sein des quartiers et à améliorer la coexistence de personnes de divers horizons.
La gestion des migrations est une compétence nationale, mais elle devient une responsabilité locale dès l’arrivée des personnes sur un territoire spécifique. De quoi êtes-vous responsable ?
Vincent Vanhalewyn :
En effet, la commune intervient à différents niveaux dans l’accueil des migrants, de la tenue et mise à jour du registre civil à l’enregistrement des nouveaux arrivants dans le registre des étrangers. L’objectif est également de veiller au bien-être des citoyens et de s’assurer que chacun trouve sa place.
Avec son service de quartier et son Programme de Prévention Urbaine (PPU), elle cherche à créer une relation étroite avec la population pour établir un dialogue et améliorer la vie communautaire à Schaerbeek. Depuis 2016, les communes de Schaerbeek et Molenbeek ont promu l’ouverture d’un Bureau d’Accueil des Nouveaux Arrivants (BAPA), l’un des acteurs centraux de l’intégration des nouveaux arrivants dans la Région bruxelloise, conférant à Schaerbeek un rôle significatif dans l’accueil des migrants.
Nous avons assisté à un élan de solidarité pour accueillir les réfugiés ukrainiens dans les villes européennes, y compris à Bruxelles. Comment avez-vous géré les premiers mois de la crise des réfugiés ukrainiens ? Quelle est la tendance et quels sont les problèmes les plus pressants ?
Vincent Vanhalewyn :
Au cours des premiers mois de la crise, la municipalité a mis en place une page web avec des informations de base pour les réfugiés ukrainiens concernant le logement, les procédures administratives et les droits, y compris l’existence du CPAS (l’agence de bien-être de Bruxelles). Un coordinateur temporaire a été nommé au niveau municipal pour centraliser les informations et répondre aux questions des personnes, qu’il s’agisse des réfugiés ou des citoyens de Schaerbeek.
Grâce à une subvention régionale, le soutien a été formalisé depuis juillet, avec deux agents municipaux supplémentaires offrant aux réfugiés et à toute personne impliquée dans le processus d’accueil toutes les informations de base, y compris un soutien psychosocial pour les réfugiés ukrainiens.
En attendant la fourniture de logements collectifs par la Région, la municipalité a dû fortement compter sur les bénévoles pour accueillir les réfugiés durant les premiers mois de la crise.
Janaki Decleire :
VIA a réagi très rapidement à l’arrivée de nombreux Ukrainiens sans compromettre la capacité d’accueil pour d’autres nouveaux arrivants. Grâce au soutien financier de la Commission communautaire française, nous avons pu recruter rapidement de nouveaux collègues parlant russe et ukrainien pour organiser des sessions d’information de 15 heures adaptées à ce nouveau public dans leur langue, leur offrant ainsi le même service que toute autre personne venant à nos bureaux.
Dans le cadre du projet IncluCities, Schaerbeek participe à un processus de mentorat avec la ville lettone de Jelgava. Que pouvez-vous leur offrir et quelle est la leçon la plus importante de ce processus pour vous ?
Vincent Vanhalewyn :
Dans le projet IncluCities, nous sommes dans un processus d’apprentissage mutuel avec la ville de Jelgava. Cela nous permet de réfléchir stratégiquement à l’intégration des nouveaux arrivants et d’évaluer nos pratiques. Grâce à ce projet, nous avons pu examiner la pertinence de créer un outil d’information numérique pour les nouveaux arrivants, tel qu’une application mobile, et d’apprendre de ce que d’autres autorités locales ont fait en Belgique et au-delà. La ville de Malines, par exemple, a réalisé un excellent travail avec son Welcome App. L’association DUNE a créé une application spéciale, Le Bon Plan, répertoriant tous les services sociaux et médicaux divers de Bruxelles. Le financement du projet ne nous a pas permis d’aller plus loin dans le développement d’une application mobile ; néanmoins, ces expériences nous ont inspirés pour mettre à jour le site web de VIA dans le cadre du projet.
Jelgava a récemment dû faire face courageusement à un grand flux migratoire en raison de la guerre en Ukraine. La municipalité de Schaerbeek a déjà dû faire face à de nombreux flux migratoires dans le passé. Nous avons voulu partager cette expertise avec nos partenaires lettons en leur montrant ce que nous avons fait, en espérant leur donner de l’inspiration pour une perspective moyenne et longue sur l’intégration.
L’un des résultats de ce projet est également un guichet unique, une plateforme en ligne améliorée pour les nouveaux arrivants dans la municipalité. Pouvez-vous présenter les principaux éléments de ce site web et son objectif ?
Janaki Decleire :
Avec le budget alloué par le projet IncluCities, nous avons pu retravailler la page de notre site web BAPA VIA décrivant le parcours d’accueil et la rendre plus accessible à tous. Le parcours est expliqué de manière plus ludique et intuitive qu’auparavant. Le contenu est également traduit en dix langues et disponible en version audio pour les personnes ayant des difficultés de lecture, car il y a parmi la population des nouveaux arrivants beaucoup de personnes qui ne lisent pas ou ont très peu d’éducation scolaire. Nous avons également créé une nouvelle page offrant un annuaire essentiel de services utiles à tout nouvel arrivant dans divers domaines, tels que l’aide sociale et les services juridiques, la santé, les services pour enfants et les cours de français. Ainsi, les personnes qui ne souhaitent pas entamer un processus d’accueil chez VIA auront des adresses utiles pour trouver des réponses à leurs questions.
Le projet IncluCities touche bientôt à sa fin. Quel a été le principal avantage pour vous ?
Janaki Decleire :
Le plus grand avantage est l’échange entre les différents partenaires du projet. Participer à un programme qui regroupe huit villes différentes partageant leur expérience d’accueil des nouveaux arrivants est inspirant. Même si leur contexte et leur réalité sont différents, comprendre ces diverses réalités et voir ce qu’ils ont pu mettre en place, ce qui a bien fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, nous permet d’enrichir notre réflexion et notre travail.
Le rôle de mentor nous a également rendus encore plus conscients du chemin parcouru depuis 2016, lorsque VIA a été créée. Si nous pouvons rayonner et inspirer d’autres acteurs dans le domaine de l’intégration des migrants, c’est une excellente reconnaissance de notre travail.
Schaerbeek est décrite comme étant « aussi têtue que l’âne » (le symbole de Schaerbeek) et « aussi fertile que la terre sur laquelle poussent les cerisiers ». Que signifient ces dictons ?
Vincent Vanhalewyn :
Autrefois, les habitants de Schaerbeek, qui cultivaient des cerises, avaient le privilège de se rendre au marché de Bruxelles avec leurs ânes pour les vendre aux brasseurs qui fabriquaient de la bière (Kriek !). Lorsqu’ils arrivaient, les Bruxellois s’exclamaient : Hei ! doë zên die