Michael Häupl : « La charte du CCRE est un premier pas vers l’égalité hommes-femmes en Europe »
En septembre dernier, le Conseil des Communes et Régions d'Europe a présenté, au parlement européen sa charte pour l'égalité hommes-femmes au niveau local et régional. Le président du CCRE et maire de Vienne, Michael Häupl, explique la genèse de la charte.
L'idée était d'inciter les représentants élus locaux et régionaux à s'engager publiquement à mettre en œuvre, dans leur ville ou région, les principes énoncés dans la charte. Pourquoi ?
Parce que pour parvenir à l'instauration d'une société fondée sur l'égalité, il est capital que les collectivités locales et régionales intègrent pleinement la dimension du genre dans leurs politiques, leur organisation et leurs pratiques. Une véritable égalité des femmes et des hommes constitue la clé de notre succès économique et social – non seulement au niveau européen ou national – mais également dans nos régions, nos villes et nos communes.
Depuis plus de deux décennies, le CCRE œuvre à promouvoir l'égalité des femmes et des hommes. L'année dernière, il a lancé le projet "La ville européenne pour l'égalité". Son but était de mettre en place une méthodologie permettant de construire la ville de l'égalité. Celle-ci sert désormais de modèle permettant aux collectivités locales de progresser sur la voie de l'égalité des chances à travers différentes politiques.
La charte elle-même constitue la continuation de ce projet. Elle constitue aussi l'aboutissement de nombreuses et difficiles négociations entre élu(e)s, expert(e)s et représentant(e)s des collectivités locales et régionales de toute l'Europe.
Quels types d'inégalités des genres existe-t-il au sein des villes et régions d'Europe ?
Les situations et contextes ne sont pas les mêmes, que l'on réside en Suède, en Espagne ou en Ukraine. Certains pays disposent par exemple de lois imposant des quotas par sexe dans les listes électorales ; d'autres ne les souhaitent pas ; d'autres les considèrent comme un objectif à atteindre. Mais il y a malgré tout des tendances générales : Le chômage en Europe touche plus particulièrement les femmes, celles-ci sont également moins présentes parmi les cadres d'entreprise et gagnent en moyenne 15% de moins que les hommes.
En politique, les femmes sont beaucoup moins représentées que les hommes. Un maire sur dix à peine est une femme, et seulement un adjoint au maire sur quatre est une femme. Or les collectivités locales et régionales ont souvent de nombreuses compétences qui peuvent influencer la vie quotidienne des femmes (transports, administrations, locales, éducation, etc.).
Le principe d'égalité des genres est-il mieux appliqué dans certaines régions d'Europe ?
La participation des femmes à la vie politique est plus égalitaire dans les pays nordiques que dans les pays du Sud. Pourtant, même si on évoque souvent le « modèle scandinave », nos amies du Nord ne considèrent pas que l'égalité hommes/femmes est atteinte dans leurs pays.
Comment la Charte peut-elle être promue à travers l'Europe ?
Le travail de promotion de la charte se fait à plusieurs niveaux – local et régional, national et européen.
Nous avons présenté et officiellement lancé la charte lors des Etats Généraux du CCRE à Innsbruck en mai 2006 où plus de 1200 représentants locaux et régionaux de 36 pays européens étaient présents.
En tant que représentants nationaux d'environ 100 000 villes et régions, les membres du CCRE sont les mieux à même de promouvoir la charte. Je demande d'ailleurs à ce que chacun d'eux promeuve la charte, la signe et mette en œuvre ses principes. Les collectivités locales et régionales peuvent et doivent agir dans les aspects les plus concrets de la vie quotidienne tels que le logement, la sécurité, les transports publics, le monde du travail ou la santé.
Bien entendu, nous collaborons également avec la presse locale, régionale, nationale et internationale, ainsi qu'avec de nombreuses institutions telles le Parlement européen, la Commission européenne ou le Conseil de l'Europe. En septembre 2006, la charte a été présentée à la présidente de la Commission Droits de la femme et égalité des chances du parlement européen, Anna Záborská, ainsi qu'à sa vice-présidente, Edite Estrella. En juin, elle le fut au Conseil de l'Europe.
Le texte de la charte à la disposition de tous sur le site web du CCRE, en français, anglais, allemand, italien, espagnol, basque, portugais, grec, finlandais, roumain et polonais. D'autres langues seront bientôt à disposition et faciliteront sa diffusion sur le terrain.
Pour quelles raisons une collectivité locale devrait-elle améliorer l'égalité des chances ?
Avant tout, parce que, en excluant les femmes, nous marginalisons la majorité de la population européenne dans les processus de décision et dans la vie sociale, culturelle et civile.
Deuxièmement, parce que la participation égalitaire des femmes et des hommes à la vie locale est un principe de démocratie et de justice.
Et enfin, pour une raison purement économique : le taux d'emploi des femmes en âge de travailler demeure inférieur à celui des hommes. Il s'agit là d'un potentiel inexploité considérable qui pourrait donner une impulsion sensible à l'économie européenne. Parallèlement, cette faible participation les expose à un risque plus important de pauvreté et d'exclusion sociale.
Comment appliquer les engagements de la charte dans les villes et régions ?
C'est relativement simple : dans les deux ans suivant la signature de la charte, l'élu(e) local(e) ou régional(e) doit élaborer et adopter un plan d'action pour l'égalité. Il doit ensuite le mettre en œuvre.
Ce plan d'action doit inclure les objectifs et les priorités du signataire, les mesures qu'il compte adopter, les ressources affectées ainsi qu'un calendrier pour sa mise en œuvre.
Le signataire s'engage ensuite à participer à un système d'évaluation approprié qui sera établi afin de suivre les progrès de la mise en application de la charte. Il doit enfin aider les exécutifs locaux et régionaux européens à échanger expériences et bonne pratiques.
Ce processus est indicatif. La Charte n'est pas un document juridique contraignant, elle veut être une « feuille de route », et nous serions heureux de voir les collectivités l'appliquer progressivement.
Une commune risque-t-elle d'être pénalisée en cas de non-application de ses principes ?
En fait, l'article 4 stipule que le signataire devra, en tant que représentant démocratique de sa commune ou de son territoire, prendre l'engagement public et formel d'appliquer les principes de la charte. Cet engagement n'est pas juridique mais il est public. Ainsi, tout signataire peut se voir publiquement critiqué s'il ne respecte pas ses promesses. Ce n'est pas rien. C'est aussi un encouragement à agir pour que la Charte devienne petit à petit une réalité.
Et puis, n'oubliez pas que chaque signature n'engage pas uniquement le maire ou président de région ; elle engage la commune, la ville ou la région. De telle sorte que, s'il y a un changement de majorité, la ville ou région est toujours liée aux engagements pris en signant la charte.
Combien de villes et régions espérez-vous vont signer la charte ?
Dans un monde idéal, toutes, bien sûr. Mais dans la réalité, nous ne pouvons nous attendre à 100% de signatures. Fin octobre, une bonne centaine de villes et régions ont signé la charte, notamment Vienne, Innsbruck, Le Havre, Nantes, Athènes et Oulu, et Paris a entamé le processus de signature. Nous recevons presque quotidiennement des nouvelles demandes de participation.
Comprenez toutefois que la charte est un outil, elle n'est pas une fin en soi. Ce qui importe n'est pas le nombre de signatures recueillies mais bien la mise en œuvre de politiques locales en faveur de l'égalité. Dans quelques années, l'égalité hommes-femmes ne sera pas encore atteinte, mais je vous assure que les communes, villes et régions en Europe auront avancé dans ce domaine !
C'est le but premier de la Charte : encourager les collectivités locales et régionales à mettre en œuvre des politiques pour l'égalité des femmes et des hommes.
rn
Climate, Sustainable Finance Officer