Réfugiés, TTIP, agenda urbain : rentrée européenne chargée pour les collectivités
rnMais que fait l’Europe ? Le Français Frédéric Vallier, qui vient d’être réélu pour un mandat de six ans comme secrétaire général du Conseil des Communes et Régions d’Europe (CCRE), détaille les dossiers qui attendent les collectivités territoriales à Bruxelles.
Cette rentrée européenne est évidemment marquée par la crise des réfugiés…
rnC’est bien sûr le dossier sensible de cette rentrée, avec les maires en première ligne, même si je suis toujours étonné de voir que le débat semble se concentrer entre l’UE et des Etats. Au bout du compte, il faut bien se rendre compte que ce sont les villes qui vont accueillir les demandeurs d’asile et mettre en place un suivi dans les écoles, pour un logement, etc. Concrètement, nous demandons de mobiliser le budget du Fonds européen pour l’Asile, la Migration et l’Intégration – 3,14 milliards d’euros – pour aider les municipalités à mettre en place ces politiques. On peut le noter : dans l’UE, il y a 100 000 collectivités territoriales. Toutes ne peuvent peut-être pas accueillir des réfugiés mais si la moitié d’entre elles accueillent une ou deux familles, on est déjà au-delà des chiffres qu’annonce la Commission européenne. Au bout du compte, il faut bien se rendre compte que ce sont les villes qui vont accueillir les demandeurs d’asile.
Gardez-vous un œil sur les négociations pour un accord commercial avec les Etats-Unis (TTIP) ?
rnC’est un sujet que l’on suit depuis le début, même si l’on ne prend pas position sur l’intérêt macroéconomique d’un tel accord. Par contre, il est essentiel que ce partenariat ne remette pas en cause les acquis européens dans la gestion des services publics. On s’est beaucoup battu au cours des dernières années pour conserver le droit pour les collectivités locales de choisir leur mode de gestion des services publics. Et il n’est pas question que des accords internationaux remettent en cause ce principe du libre choix. Si une collectivité veut faire appel à une entreprise privée, ce doit être son choix. Si elle souhaite revenir en gestion directe, elle doit pouvoir le faire. Si elle souhaite organiser en régie, c’est encore à elle de décider.
Y-a-t-il danger à cet égard ?
rnA la Commission et ailleurs, il y a toujours des jusqu’au-boutistes pour demander que les services publics soient mis en concurrence systématiquement avec le privé. On a obtenu que le Parlement européen se range derrière notre position et je pense que l’on peut être à peu près rassuré. Mais nous restons vigilants et en contact avec le cabinet Malmström (Cecilia Malmström, la commissaire en charge du Commerce, ndlr).
rnPar ailleurs, nous sommes en discussion avec les représentants des collectivités territoriales américaines pour voir si l’on peut définir une position commune. Eux aussi sont très mobilisés. Il ne faut pas croire que les Américains sont tous sur une même ligne.
Il y a quelques mois, la Commission adoptait un programme « mieux légiférer » qui vise à améliorer la qualité de la législation européenne. Comment le jugez-vous ?
rnAujourd’hui, on évalue à plus de 60% l’impact des réglementations européennes sur les politiques publiques locales, d’où l’importance pour les collectivités de s’impliquer en amont. Nous regrettons que, dans le nouveau modèle proposé par la Commission, la question de la gouvernance « multi-niveaux » ne soit pas suffisamment prise en compte. On l’a dit très clairement à Frans Timmermans (1er vice-président de la Commission européenne, en charge du dossier « Mieux légiférer », ndlr). Ce que nous souhaitons, c’est que la réglementation en préparation soit précédée d’une véritable étude d’impact sur les niveaux local et régional. Pour l’instant, c’est loin d’être systématique, mais je pense que l’on devrait pouvoir obtenir satisfaction.
rnCe que nous souhaitons, c’est que la réglementation en préparation soit précédée d’une véritable étude d’impact sur les niveaux local et régional.
rnAutre élément : le registre de transparence des représentants d’intérêt. Je trouve inadmissible que nos associations de gouvernements locaux et régionaux soient considérées comme des lobbyistes et doivent s’y inscrire. On n’est pas des lobbyistes. On n’est pas là pour vendre des sodas, du sucre, du pétrole. A la Commission, tout le monde reconnaît qu’on a raison… mais rien ne change. On est toujours dans une sorte d’ambivalence.
rnJe trouve inadmissible que nos associations de gouvernements locaux et régionaux soient considérées comme des lobbyistes.
Le Parlement et le Conseil négocient de nouvelles règles en matière de protection des données. Sont-elles pertinentes, à l’heure de la numérisation dans les services publics ?
rnLe problème est toujours le même : on n’a pas fait de réelle différenciation entre le secteur public et le secteur privé. L’utilisation des données personnelles par le secteur public ne se fait pas dans un but commercial, mais pour fournir des services d’intérêt général. Il faut un encadrement adapté à cette réalité et ce n’est pas le cas avec ces nouvelles règles. Nous souhaitons engager une discussion sur les besoins réels des collectivités locales par rapport à l’utilisation et à la protection des données.
rnD’autre part, l’on dispose d’études qui montrent que les coûts de mise en œuvre de cette réglementation pourraient atteindre plusieurs centaines de millions d’euros pour les collectivités territoriales. Il faut quand même essayer de voir comment cela peut être accompagné ou étalé dans le temps.
Cela fait 20 ans que Bruxelles envisage de se doter d’un « agenda urbain ». Il semble que l’on commence enfin à voir le bout du tunnel…
rnOui. Nous entrons vraiment dans la discussion sur le contenu de cet agenda – puisque le fait qu’il y aura un agenda urbain a été validé, et qu’il sera adopté au 1er semestre 2016. Il est important de proposer quelque chose qui ne tienne pas juste compte des grandes métropoles, mais qui fasse le lien avec les zones rurales, qui prenne en compte la dimension générale du développement territorial. Il est aussi très important que cet agenda mette en exergue la question de l’impact territorial des règlementations européennes et des évaluations systématiques à mener en amont. Le calendrier est en tout cas intéressant : on a l’agenda urbain européen d’un côté, et la réflexion sur un agenda urbain global de l’autre, puisqu’en octobre 2016 se tiendra la conférence des Nations-Unies « Habitat III » sur le thème du développement urbain durable. Il faut faire le lien entre les deux exercices.
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Climate, Sustainable Finance Officer