Claude Turmes: « La Commission et les États Membres ont tout intérêt à attribuer des compétences élargies aux villes et régions »L'Union de l'énergie a un grand potentiel pour l'économie durable locale, la création d'emplois et la protection de l'environnement. Les collectivités territoriales européennes sont déterminées à devenir plus économes en énergie, à évoluer vers une société durable et en même temps à lutter contre le changement climatique, comme le prouve les centaines de maires à travers le monde qui ont signé la Déclaration de Paris (COP21).
rnMais, comment peut-on les impliquées dans la volonté de la Commission de transformer l'UE en une économie à faible émission de carbone d'ici 2030 ? Pour en savoir plus sur cette question ainsi que sur l'état d'avancement du paquet « Une énergie propre pour tous les Européens », nous avons discuté avec le député européen Claude Turmes, rapporteur sur la régulation sur la gouvernance du paquet énergie propre.
En novembre dernier, la Commission européenne a lancé le paquet « Une énergie propre pour tous les Européens ». Où en sommes-nous aujourd’hui?
rnNous sommes aujourd’hui au stade de l’élaboration de la position du Parlement européen face à la proposition de la Commission. En tant que rapporteur sur l’un des huit textes législatifs en discussion, la gouvernance de l’Union de l’Énergie, je rencontre les gouvernements nationaux et les parties prenantes concernées par la législation afin d’obtenir un texte ambitieux qui fixe des objectifs en ligne avec l’Accord de Paris issue de la COP 21. Nous devons diminuer notre consommation d’énergie, développer les réseaux intelligents et augmenter drastiquement la part des énergies renouvelables dans notre mix énergétique pour atteindre les 100% d’ici 2050 et ainsi garder une chance de maintenir le réchauffement climatique bien en-deçà de 2°C.
En tant que rapporteur sur la régulation sur la gouvernance du paquet énergie propre, quelles sont vos principales propositions concernant les villes et les régions dans ce processus ?
rnJe suis très attaché à la gouvernance multi-niveaux, je pense que la Commission et les États Membres ont tout intérêt à attribuer des compétences élargies aux villes et régions. Ceux sont eux qui agissent efficacement à un niveau concret, pour mettre en place sur le terrain les objectifs décidés au niveau communautaire. Il faut donc formaliser et ancrer leur participation dans les textes. On le voit tous les jours avec les plus de 6 000 villes et collectivités engagées dans la Convention des Maires et qui développent des stratégies de décarbonation avancées. Elles s’engagent aussi sur la qualité de l’air pour offrir un cadre de vie plus sain à leurs habitants.
rnLes régions et villes européennes sont également très importantes dans la mise en place de coopérations régionales, qui représentent l’avenir de l’énergie en Europe. Ces coopérations transfrontalières seront amenées à se renforcer car elles permettent de relever les défis à venir : baisse des prix pour le consommateur, inter-connectivité, production locale et sécurité d’approvisionnement.
Comment le Parlement européen peut-il assurer un dialogue structuré et permanent avec les villes et les régions sur la gouvernance de l'Union de l'énergie?
rnLe Parlement doit d’abord prendre au sérieux l’organisme qui représente les villes et régions dans l’Union européenne : Le Comité européen des Régions Les députés européens eux-mêmes sont issus de circonscriptions régionales et donc particulièrement sensibles aux enjeux locaux. Les groupements comme le Conseil des Communes et Régions d’Europe, ainsi que Eurocities, Energy Cities, l’Alliance Climat et la Convention des Maires contribuent à alimenter le débat. Je suis en permanence à leur écoute. C’est d’ailleurs pour cette raison que je suis allé m’exprimer le 24 avril dernier au Comité européen des Régions sur la question de la gouvernance.
Quelles sont les principales opportunités de financement pour les collectivités territoriales ? Plus précisément, comment l'UE pourrait-elle soutenir les villes et communes de petite taille ?
rnPrenons l’exemple du Luxembourg : quand une ville fait quelque chose, qu’elle participe aux engagements internationaux, sa contribution est reconnue et cette ville reçoit de l’argent du gouvernement central. Il serait intéressant d’imaginer un tel fonctionnement généralisé au niveau de l’ensemble de l’Union européenne. L’UE doit valoriser l’engagement local et l’incitation financière en fait partie. Par exemple, faire de l’adhésion à la Convention des Maires un préalable pour accéder à certains financements européens est une piste de travail intéressante.
Comment ce paquet peut-il aider dans la lutte contre le changement climatique, tel qu’établie par l'Accord de Paris sur le climat?
rnCe paquet législatif ne pourra participer efficacement à la lutte contre le changement climatique que s’il fixe des objectifs ambitieux et contraignants pour les États Membres. La proposition de la Commission de fixer un objectif de renouvelable à 27% représente une régression par rapport aux évolutions actuelles ! Ce niveau ne permet pas à l’UE de remplir ses engagements souscrits à Paris, il nous faut un objectif d’au moins 35%. Il en va de même pour l’efficacité énergétique : le Parlement s’est prononcé à de nombreuses reprises en faveur d’un objectif d’au moins 40% d’ici 2030.
Maintenant que la Commission a lancé le débat sur l'avenir de l'Europe: quelle influence pensez-vous que ce paquet aura sur l'Europe en 2030? Plus largement, quelle est votre vision de l'Europe en 2030?
rnLe futur de l’Europe de l’énergie se joue sur trois terrains. Premièrement, l’efficience, qui permettra une consommation d’énergie plus raisonnée. Deuxiémement, le déploiement des énergies renouvelables, qui seules utilisent des ressources abondantes (le soleil, la terre, le vent et l’eau) sans abimer la terre. Troisiémement, les interconnexions et la flexibilité du marché de l’électricité (grâce au stockage notamment, ainsi qu’aux réseaux intelligents et à l’effacement de la demande) qui garantissent l’équilibre d’un système alimenté par des sources variables.
rnÀ cela s’ajoute un autre impératif : donner un prix au carbone. Au vu de l’échec patent de l’ETS , je propose l’établissement d’un prix plancher, d’abord situé aux alentours de 20-30 €/tonne de CO2 puis évolutif au fil du temps. Seule une Europe qui prend en compte ces défis peut se targuer d’être leader mondial dans la lutte contre le changement climatique comme elle aime à le clamer si souvent. Il nous faut comprendre les évolutions de l’énergie. Dans quelques années le consommateur sera producteur de sa propre électricité et les géants nationaux qui nous enferment dans des modèles énergétiques dépassées devront s’adapter, faute de quoi ils risquent de disparaître. L’Europe du futur doit être celle qui a enclenché la transition énergétique et ses opportunités économiques (emplois), sociales et environnementales immenses.
Climate, Sustainable Finance Officer